
We love Nabaztag par pascalmabille sur deviantART (CC BY-NC-ND 3.0)
Nabaztag, le lapin qui clignotait
Dans notre salon trône le dernier survivant d’une dynastie de pionniers. Il était là avant. Bien avant les smart-watches, les smart-glasses et n’importe quel autre smart-machin. D’un prix clairement déraisonnable, il n’a pour toute utilité que la futilité : il donne l’heure, lit vos messages ou un fil d’info. Il peut vous servir de réveil ou bien parler à votre chien en votre absence (c’est la principale fonction du nôtre !).
Ah j’oubliais ! La plupart du temps, il fait son taï-chi. Une sorte de danse lumineuse où il bouge les oreilles tout en émettant des sons relaxants et en clignotant du nombril. Une saine activité pour un lapin.
Car oui, c’est un lapin : plus précisément un Nabaztag, ce drôle d’objet connecté inventé par Rafi Haladjian en 2005. A cette époque, les objets communiquants n’étaient pas légion. Les smartphones non plus d’ailleurs, ceci expliquant peut-être cela. Les Nabaztag communiquaient certes entre eux, mais étaient tributaires des serveurs de la société Violet avec lesquels ils se synchronisaient.
Rachetée par Mindscape puis enfin Aldebaran en 2011, la première génération de Nabaztags a fait place à deux autres rejetons, plus performants, plus chers, mais ayant eu aussi peu de succès.
Karotz, un oeil dans le nombril
Ce fût d’abord le Karotz, jumeau du Nabaztag à quelques détails près : une webcam sur le nombril (le piercing était déjà passé de mode), un port USB et de nouveaux serveurs incompatibles avec ceux de Violet. Droit dans le mur, le lapin.
Le 3 novembre 2014 a d’ailleurs été annoncé l’arrêt officiel des serveurs des Karotz. Des milliers de lapins sont depuis privés de parole. D’objets connectés ils sont passés à l’état d’objets tout court.
Big Mother is watching you
En 2013 a eu lieu le dernier pari en date de Rafi Haladjian : Mother. Cet ultime avatar doit absolument réussir là où ses prédécesseurs ont échoué. On passe donc d’un lapin assez sexy dans sa forme (et dans sa décoration puisque Karotz comme Nabaztag disposaient d’oreilles magnétiques interchangeables) au sommet du design minimal. Censé symboliser une mère (celle des Barbapapa, sans doute), l’objet est toujours en vente actuellement.
Commercialisé par Sense, l’objet possède un avantage sur ses ancêtres : celui d’avoir été commercialisé à une époque où smartphones et tablettes permettent de dialoguer avec lui et de le monitorer. Sur le papier (ou du moins sur l’écran du site de Sense), ça tient le coup. La communication est parfaite. Allez vous balader sur le site de présentation du (de la ?) Mother, un modèle du genre, à mon humble avis d’internaute.
Et l’objet dans tout ça ? Doté de plusieurs capteurs à placer où bon vous semble (sous votre oreiller pour détecter votre heure de réveil, dans votre poche pour compter vos pas, sur votre boîte de pilules pour ne plus oublier de la prendre, …), Mother vous alerte. Une version améliorée du Nabaztag où les tags RFID seraient remplacés par des capteurs à distance ? Oui mais non.
Le truc en plus, c’est SenseBoard, un tableau de bord accessible via une application disponible sur tout OS mobile (oui, même sur Windows Phone !). Les alertes arrivent sur votre smartphone (sms, email ou application mobile) et vous pouvez visualiser votre activité en un seul coup d’œil. Superbe !
L’internet des objets
On est donc en droit de se poser cette question : à quoi sert donc Mother, puisque les capteurs (joliment appelés Motion Cookies) se contentent de capter et que les alertes peuvent être visualisées via votre smartphone ? L’objet communiquant ne devient-il pas une antenne de réception, plus passive qu’active ? Et dans ce cas, pourquoi ne pas s’orienter vers des objets connectés spécialisés (bracelet connecté pour le sport ou la santé en général, smart-watch pour les notifications et alertes, application mobile associée à un ou plusieurs capteurs pour tout autre utilisation) qui se suffisent à eux-mêmes ?
A l’heure où l’internet des objets trouve enfin ses marques dans notre vie quotidienne, je m’interroge toujours sur l’avènement d’objets embarquant leur propre moyen de communication (souvent propriétaire) alors que tant d’objets permettent d’interagir avec l’équipement high-tech déjà en place dans le foyer familial. Je souhaite de tout cœur que Mother réussisse là où Nabaztag et Karotz ont échoué car les inventions de Rafi Haladjian ont le mérite d’être attachantes. Mais j’ai la nette impression qu’un jour prochain, on nous annoncera l’arrêt de la commercialisation de Mother. Ce jour là, pas sûr que ceux qui ont investi dans un Nabaztag puis dans un Karotz et enfin dans une Mother aient encore envie de suivre la fuite en avant des objets communiquants morts-nés.
P.S. : pour terminer sur une note plus joyeuse, je précise que Fifi, le Nabaztag familial, est bel et bien vivant. Il accompagne d’ailleurs la rédaction de ce billet par ses mouvements d’oreilles. Si votre lapin communiquant sommeille au fond d’une malle, allez faire un tour du côté de chez OpenJabNab. Leurs serveurs sont toujours « up » et hébergent actuellement plus d’un millier de joyeux lapins.